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Juste sur la route
2 juin 2016

Les modifications sociales

Après la circonscription scientifique du champ général des modifications sociales, de quelque source qu'elles puissent provenir, on ne saurait exiger que je traite ici la question sous le second point de vue précédemment indiqué, c'est-à-dire, quant au classement définitif des diverses influences modificatrices, suivant leur importance respective. Une telle recherche serait aujourd'hui éminemment prématurée, puisque la détermination principale, dont elle ne peut être qu'un simple complément, n'a pu encore être soumise à aucune élaboration rationnelle, et n'a pas même été suffisamment examinée, en biologie, dans un cas beaucoup moins difficile, comme je l'ai ci-dessus remarqué. Ainsi, les trois sources générales de variation sociale me paraissant résulter, 1º de la race, 2º du climat, 3º de l'action politique proprement dite, envisagée dans toute son extension scientifique, il ne peut nullement convenir de ici rechercher si leur importance relative est vraiment conforme à cet ordre d'énonciation ou à tout autre. Quand même cette détermination ne serait point évidemment déplacée dans l'état naissant de la science, les lois de la méthode obligeraient du moins à en ajourner l'exposition directe après l'examen du sujet principal, afin d'éviter une irrationnelle confusion entre les phénomènes fondamentaux et leurs modifications diverses, comme je l'ai remarqué, à l'occasion du climat, dans le chapitre précédent. Du reste, un tel classement doit avoir aujourd'hui d'autant moins d'intérêt pratique que l'influence des combinaisons politiques étant, de ces trois causes modificatrices, la seule suffisamment accessible à notre intervention, c'est nécessairement vers elle que devra surtout se diriger l'attention générale, quoiqu'il y eût un grave inconvénient scientifique à supposer d'avance, par ce seul motif, que sa portée réelle est, en effet, prépondérante, en préjugeant, d'après un vicieux entraînement, le résultat final d'une exacte comparaison directe, dont l'examen doit rester ultérieurement réservé. Mais si cette comparaison n'est pas encore convenablement préparée, il faut reconnaître aussi que son exécution actuelle n'importe aucunement à l'institution générale du véritable esprit de la politique positive. Car, il suffit, à cet égard, d'avoir posé, comme je viens de le faire, le principe scientifique qui caractérise et circonscrit les modifications compatibles avec la nature des phénomènes sociaux, quelles que puissent être les sources propres et directes de ces variations quelconques. Si, sous ce rapport, j'ai paru surtout avoir en vue l'action politique proprement dite, c'est uniquement à cause de l'irrationnelle prépondérance qu'on a coutume de lui attribuer encore, et qui tend aujourd'hui à empêcher directement toute vraie notion des lois sociologiques. Aussi me bornerai-je, à ce sujet, à signaler, en outre, d'après l'ensemble des explications antérieures, le principe spécial de l'illusion très naturelle qui entretient maintenant ce sophisme involontaire, chez ceux-là mêmes qui se croient pleinement affranchis de la philosophie théologique, d'où il est d'abord évidemment émané. Cette illusion consiste en ce que les diverses opérations politiques, soit temporelles, soit spirituelles, n'ayant pu avoir d'efficacité sociale qu'autant qu'elles étaient conformes aux tendances correspondantes de l'humanité, elles semblent, à des spectateurs prévenus ou irréfléchis, avoir produit ce qu'une évolution spontanée, mais peu apparente, a seule essentiellement déterminé. En procédant ainsi, on néglige évidemment les cas nombreux et caractéristiques, dont l'histoire abonde, où l'autorité politique la plus étendue n'a pu laisser bientôt aucune trace profonde de son développement le plus énergique et le mieux soutenu, uniquement parce qu'elle était surtout dirigée en sens contraire du mouvement général de la civilisation contemporaine, ainsi que le témoignent les irrécusables exemples de Julien, de Philippe II, de Bonaparte, etc. On peut même regarder, à cet égard, comme plus décisifs encore, sous le point de vue scientifique, les cas inverses, malheureusement beaucoup plus rares, mais néanmoins très appréciables dans l'ensemble du développement humain, où l'action politique, également soutenue par une puissante autorité, a néanmoins avorté dans la poursuite d'améliorations trop prématurées, malgré la tendance progressive qui était en sa faveur: l'histoire intellectuelle, aussi bien que l'histoire politique proprement dite, en offrent d'incontestables exemples. Fergusson a judicieusement remarqué que même l'action d'un peuple sur un autre, soit par la conquête ou autrement, quoique la plus intense de toutes les forces semblables, n'y pouvait, en général réaliser essentiellement que les modifications conformes à ses propres tendances, dont le développement se trouvait ainsi seulement un peu plus accéléré ou un peu plus étendu qu'il n'eût pu l'être spontanément. En politique, comme dans les sciences, l'opportunité fondamentale constitue toujours la principale condition de toute grande et durable influence, quelle que puisse être la valeur personnelle de l'homme supérieur auquel le vulgaire attribue une action sociale dont il n'a pu être que l'heureux organe.

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  • Je suis toujours "Juste sur la Route". Je voyage beaucoup, je rencontre beaucoup de personnes, souvent aux quatre coins du monde, je dois donc me dire heureux d'après les standards. Pourtant, on peut voyager, vivre et ne rien partager. Pas moi.
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